Le 30 septembre dernier, une centaine de personnes ont répondu «présent » à l’invitation du Service des Couples et des Familles (SDCF) à venir s’informer, partager et discuter sur le thème « Faire Eglise avec les personnes homosexuelles ».
Les organisateurs avaient voulu aborder la question par trois biais différents : un apport exégétique (par le Vicaire épiscopal Yves Keumeni, responsable des Formations au sein du Centre Diocésain de Formation (CDF), deux témoignages (d’un papa découvrant l’homosexualité de son fils et d’un chrétien homosexuel évoquant son cheminement personnel), et enfin la présentation de la brochure élaborée par une équipe au sein du SDCF, intitulée « Accueillir, accompagner, porter dans la prière le projet de vie partagé par des personnes homosexuelles ». La matinée s’est terminée par un temps de questions / réponses qui a vu plusieurs personnes témoigner spontanément de leur expérience.
En introduisant la matinée, Baudouin Charpentier (président du Séminaire de Liège) et Anne Van Linthout (SDCF) ont rappelé combien il était encore peu aisé d’aborder ce sujet en Eglise tant la personne homosexuelle reste en bien des endroits objet de discrimination et de stigmatisation. Le chemin vers l’inclusivité sera encore long mais il s’agit bien, dans notre Eglise de vivre la fraternité faite de grâce et de liberté et non de justification et de mérite. Ils ont mentionné également le chemin d’une Eglise inclusive indiqué par le pape François lui-même. Rappelons ses propres mots :
« Tous, tous, tous ont une place dans l’Eglise ! »
Dans son intervention, l’abbé Keumeni a souligné l’actualité de la question et le fait que malgré elles, les personnes homosexuelles font partie de la périphérie de l’Eglise aujourd’hui. Or la mission de l’Eglise est de témoigner de l’amour de Dieu et du Christ pour chacun et chacune. Notre mission est bien celle-là : manifester que chaque personne est aimée de Dieu. Dans la version lucanienne des Béatitudes, Jésus est formel : « … ne jugez pas… ne condamnez pas… un aveugle peut-il conduire un autre aveugle… le disciple n’est pas au-dessus du maître, il sera comme son maître… ». Se poser en juge d’autrui, c’est prendre la place de Dieu. C’est à la bienveillance que nous sommes appelés parce que la logique de Dieu est basée sur l’amour !
Etre bien formé comme son maître, c’est refuser le jugement, refuser de se poser comme le maître des autres. Toute la vie de Jésus a été, non seulement la vie d’un enseignant donnant des conseils de vie, mais aussi celle d’un bon pasteur aimant. Il est celui qui pose un regard bienveillant sur les marginaux.
Reprenant l’épisode de la rencontre de Jésus avec la Syro-Phénicienne, femme étrangère, liée à l’impur ainsi que sa fille, infréquentable pour un juif, l’abbé Keumeni nous a interrogés : « Pourquoi Jésus rejette-t-il cette femme ? »
Jésus épouse le point de vue de ses contemporains : la Bonne Nouvelle du Royaume est d’abord destinée aux Juifs. Mais il épouse ce point de vue pour le dépasser. Ceci a une fonction narrative. Ce rejet de la part de Jésus fait avancer le récit en créant une intrigue pour le lecteur qui ne peut que se questionner sur cette attitude de Jésus. Ceci crée une tension dramatique qui dit toute l’importance de ce qui est en jeu.
On est face à une démarche pastorale. Jésus annonce le royaume. Face à lui une femme impure (à un triple niveau : grecque, syro-phénicienne et ayant une fille impure.) Jésus ne reste pas braqué sur l’argument de la loi. Il sonde le cœur de cette femme. Il accueille son cœur qui est en confiance par rapport à Dieu et lui ouvre alors le chemin du salut.
En conclusion, la mission première de l’Eglise est d’annoncer la parole de Dieu. Une parole qui rassure, console et encourage. Il s’agit de prendre soin des plus fragiles. Dans le document sur la phase continentale du synode (« Elargis l’espace de ta tente« ), au paragraphe 39, on peut lire que les gens demandent à l’Eglise qu’elle soit refuge pour les personnes brisées et non institution pour les parfaits, que l’Eglise marche avec ces personnes plutôt que de les juger.
Une lente maturation est en cours. L’Eglise catholique après les deux synodes sur la famille et l’exhortation apostolique Amoris Laetitia, est en discernement, notamment en ce qui concerne les fragilités affectives et familiales. Même si rien n’a été décidé dans ces synodes sur la famille, tout
un chemin se fait. Ce situations doivent être lues à partir d’une théologie de la grâce et de la miséricorde.
A la suite de cette première intervention, les deux témoins ont marqué l’assemblée présente par leur simplicité et leur sincérité. Ils ont montré combien, pour un parent comme pour la personne homosexuelle elle-même, le chemin vers l’acceptation de ce qui est est lent et semé d’embûches.
Nous en retiendrons également que l’amour vécu et partagé est sans doute le seul moyen concret de dépasser les difficultés et le seul apte à rendre toute sa dignité à des relations et des personnes que la peur, l’ignorance voire la violence ont profondément et durablement abîmées.
La brochure du diocèse de Liège « Accueillir, accompagner, porter dans la prière le projet de vie partagé par des personnes homosexuelles » n’a pas l’ambition d’être le mot ultime et exhaustif sur la question, la brochure espère toutefois offrir des pistes pour l’accueil des personnes homosexuelles dans nos communautés : quelle participation à la vie de celle-ci ? Que proposer quand une demande de geste religieux arrive après un engagement civil ? Sa dynamique s’aligne sur celle que l’Exhortation Apostolique Amoris Laetitia prône pour la pastorale familiale en général:
« Accompagner, discerner, intégrer » et en adoptant le regard du Christ, toujours attentif aux situations concrètes.
La brochure devrait donc pouvoir aider les communautés chrétiennes à engager une démarche d’accueil et d’ouverture afin que chacun puisse ainsi faire l’expérience d’une Eglise qui accompagne ses membres de manière bienveillante. Elle aidera e outre les prêtres, diacres et autres animateurs pastoraux à nourrir leur réflexion pour accueillir au mieux les personnes
homosexuelles qui viennent présenter une demande de prière à l’occasion de leur engagement.
Encouragé par cette matinée et surtout l’ambiance fraternelle qui s’y est vécue, le groupe organisateur compte bien donner une suite à cette réflexion afin que la parole des uns et des autres puissent se dire sans jugement et avancer ainsi ensemble vers une Eglise plus inclusive, bienveillante et accueillante, à l’image de son « maître ».
Possibilité d’acheter la brochure en s’adressant à notre Service ou en envoyant un mail à sdcf@evechedeliege.be
ou de la télécharger gratuitement ICI