Il ne faut pas être un athlète de haut niveau pour se considérer en bonne santé », explique la professeure Louise Deldicque qui travaille à la faculté des Sciences de la Motricité de l’UCLouvain, avec le professeur Marc Francaux. Ils ont récemment publié une étude(*) sur le lien entre une bonne condition physique et une possible protection contre les inflammations dues au coronavirus. Louise Deldicque poursuit: « Par contre, il faut pratiquer 150 minutes d’activité physique par semaine à une intensité modérée. Cela correspond à de la marche rapide (5-6 km/h) pour un adulte. Pour un senior, ce rythme peut être moindre (3-4 km/h) car la capacité physique va diminuer avec l’âge; c’est physiologique et normal. »
A vos
compteurs!
Ces 150 minutes peuvent être réparties sur
la semaine: trois fois 50 minutes ou cinq fois 30. C’est accessible à tout le
monde, même avec une vie dense. Monter les escaliers, faire ses courses à pied,
jardiner…, cela fait aussi partie des 150 minutes et permet déjà d’être en
meilleure santé. « Le problème dans les maisons de repos c’est qu’on fait
tout pour les seniors qui sont donc vraiment inactifs. C’est en partie pour
cela qu’ils ont été si touchés par le coronavirus », explique la chercheuse
de l’UCLouvain. « Le fait de bouger, de contracter les muscles, d’une part,
renforce le système immunitaire et, d’autre part, procure un niveau suffisant
de forme physique cardio-respiratoire. » Or, le virus provoque justement
des dégâts dans les voies respiratoires; mieux les protéger peut donc s’avérer
très utile, voire salvateur!
« Attention! Il y a toujours des
exceptions à la règle et ce serait très dangereux de dire que l’activité
physique est bonne sur tous les plans », insiste Louise Deldicque. En effet,
l’aspect génétique intervient aussi; dès lors des personnes actives et en bonne
santé sont mortes à cause du coronavirus.
Ainsi donc, l’exercice physique ne protège pas à 100% du virus et n’empêche pas celui-ci d’entrer dans l’organisme. Il n’est donc pas préconisé en traitement exclusif mais vient en complément d’autres traitements médicaux, supervisés par un médecin et en accord avec le diagnostic médical.
En
prévention, certainement!
« Pour répondre à des problématiques de
santé, la prévention est le maître mot et c’est le premier rôle de l’activité physique »,
explique la chercheuse.
En curatif, l’activité physique peut être maintenue
tant que les symptômes se limitent à un rhume. En effet, le système immunitaire
– renforcé par l’activité physique – est capable de réagir rapidement contre
l’attaque du virus mais uniquement chez les patients très peu atteints. Mais
Louise Deldicque nous met en garde: « Quand l’inflammation est trop
développée – une pneumonie par exemple –, l’activité physique pourrait même
être néfaste. Il faut donc plutôt prévenir par l’activité physique que vouloir guérir. »
Fièvre
= stop!
« D’ailleurs, poursuit-elle, en cas de fièvre
(38° ou plus), on arrête toute activité physique car cela peut engendrer d’autres
dérèglements. » Selon l’étude qu’elle a menée avec ses confrères, « la
progression du COVID-19 dépend en grande partie de l’état de santé initial d’un
individu et de la réponse immunitaire déclenchée par l’infection. Si la personne
est déjà fragile à cause d’autres maladies fortement inflammatoires comme
l’obésité ou le diabète, il s’en suit une inflammation pulmonaire qui peut être
mortelle ». Cet état inflammatoire causé par d’autres maladies et dit de
‘bas grade’ apparaît aussi avec le vieillissement et l’usure des cellules.
C’est un phénomène normal qui ne pose pas de problèmes, sauf en cas d’attaques virales.
C’est pourquoi les personnes âgées, même si elles ne présentent pas de signes
de comorbidité, sont des personnes à risque. D’où l’importance pour les seniors
de rester actifs.
Cascade
de problèmes…
Le problème c’est qu’actuellement il y a aussi
une ‘pandémie d’inactivité physique’ qui concerne essentiellement le monde occidental.
« Bien sûr, ce serait trop réducteur de dire que la pandémie de coronavirus
est due uniquement à l’inactivité physique. Cependant, explique la chercheuse, la
relation entre obésité ou diabète et COVID-19 est de plus en plus évidente car
il y a déjà des inflammations présentes dans l’organisme. Les virus s’installent
dans ce cas plus facilement et peuvent alors faire des ravages. Les gens sains
attrapent aussi le virus mais ne développent pas
les symptômes que les diabétiques ou les obèses
ont connus. Ce constat va sans doute nous conduire à soigner l’obésité ou le
diabète non pour ce que sont ces maladies mais pour tout ce qu’elles peuvent
engendrer comme conséquences secondaires. »
… et
solutions en cascade?
Beaucoup de maladies sont liées à notre
époque: le cancer, le VIH, les maladies cardiovasculaires, le diabète, les
troubles cognitifs (maladie d’Alzheimer ou de Parkinson) et l’obésité.
En réponse aux problématiques de santé,
l’activité physique fait donc partie des solutions mais n’est pas la seule. Ceci
dit, l’obésité et le diabète sont des maladies qu’on peut facilement éviter
grâce à une activité physique régulière. En la proposant aux personnes à risque
de développer ces maladies – les prédiabétiques, les gens en surpoids mais pas
encore obèses – on a vraiment plus d’impact, sans recourir à des médicaments et
à moindre coût pour la sécurité sociale.
« Nous, chercheurs, cela nous occupera beaucoup
dans les années à venir », conclut Louise Deldicque. Si c’est au bénéfice
de notre santé, tant mieux!
✐ Nancy GOETHALS